Année 2020

Année 2020

Les faits marquants de l'année 2020

Les faits marquants scientifiques

La méiose est un aspect essentiel de la reproduction sexuée. Il était admis depuis presque 15 ans que l’acide rétinoïque, une molécule synthétisée à partir de la vitamine A, induisait l’entrée en méiose des cellules germinales chez les mammifères. Dans deux articles conjoints publiés le 22 mai 2020 dans la revue Science Advances, des chercheurs de l’Institut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte d’Azur) et de l’IGBMC (CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) ont démontré, chez la souris, que la méiose démarre et se déroule normalement en absence d’acide rétinoïque, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de recherches en biologie de la reproduction.

ovaire-controle-art-meiose-web_0
Immunodétection des protéines SYCP3 (en vert) et DAZL (en rouge) dans l’ovaire embryonnaired’une souris contrôle (à gauche) ou mutante nulle pour les gènes Aldh1a1-3 (au milieu), ou pour les gènes codant les RAR (à droite). Dans les trois situations, les cellules germinales (en rouge) sont bien en méiose, comme l’atteste la localisation de SYCP3 sur les chromosomes méiotiques (en vert). Anne-Amandine Chassot et Norbert B. Ghyselinck

La méiose est un processus essentiel qui permet le brassage des chromosomes et la transmission d’une information génétique unique à la descendance. À partir d'une cellule germinale diploïde1 (ovogonie chez la femelle, spermatogonie chez le mâle), la méiose produit des gamètes haploïdes2 (ovocyte chez la femelle, spermatozoïde chez le mâle). La rencontre d’un ovocyte et d’un spermatozoïde unit deux génomes parentaux pour reformer une cellule diploïde, à l’origine du futur embryon, ce qui marque le commencement de la génération suivante.

Chez les mammifères, les cellules présentes dans les gonades en développement (ovaire chez la femelle, testicule chez le mâle) fournissent un soutien architectural, nourricier et protecteur aux cellules germinales. Elles émettent aussi des signaux moléculaires qui instruisent le destin des cellules germinales. Parmi ces signaux, on trouve l’acide rétinoïque, qui permettrait de stimuler l’entrée des cellules germinales en méiose. Une étude publiée en 2011 a cependant jeté le doute quant à ce rôle de l’acide rétinoïque. Malgré cela, au fil du temps, l’idée que l’acide rétinoïque est la molécule qui instruit le déclenchement de la méiose a été érigée au rang de dogme.

Pour clarifier le rôle de l’acide rétinoïque, des scientifiques niçois et strasbourgeois3 ont utilisé deux approches complémentaires. Dans la première, ils ont empêché la fabrication d’acide rétinoïque dans l’ovaire embryonnaire de souris. Dans la seconde, ils ont bloqué le message relayé par l’acide rétinoïque en invalidant ses récepteurs. Dans les deux cas, les cellules germinales initient la méiose normalement. Mieux encore, les ovocytes dépourvus de récepteurs de l’acide rétinoïque donnent naissance, après fécondation, à des souriceaux viables, preuve que leur fonctionnalité n’est pas altérée.

Ces deux études réfutent donc l’idée que l’acide rétinoïque joue le rôle d’initiateur de l’entrée en méiose des cellules germinales. Elles battent en brèche le dogme établi et résolvent un contentieux vieux de presque 15 ans. En levant un verrou conceptuel, la découverte de ces scientifiques conduira la communauté scientifique à reconsidérer ses hypothèses de travail. Elle suscitera de nouvelles pistes, à la recherche des véritables signaux qui contrôlent l’entrée en méiose des cellules germinales.

Notes
(1) Une cellule diploïde comporte une paire de chromosomes homologues.
(2) Une cellule haploïde comporte un seul exemple de chaque chromosome.
(3) Ces travaux impliquent également des chercheurs et chercheuses du Service de biologie de la reproduction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, du laboratoire Biologie de la reproduction, environnement, épigénétique, et développement (Inrae/Université Paris Saclay/Enva) et des scientifiques de l’université de Genève et du German Cancer Research Center.

Publication :

Retinoic Acid synthesis by ALDH1A proteins is dispensable for meiosis initiation in the mouse fetal ovary. Anne Amandine Chassot, Morgane Le Rolle, Geneviève Jolivet, Isabelle Stevant, Jean-Marie Guigonis Fabio Da Silva, Serge Nef, Eric Pailhoux, Andreas Schedl, Norbert B. Ghyselinck et Marie-Christine Chaboissier. Science Advances, 22 mai 2020.

Meiosis occurs normally in the fetal ovary of mice lacking all retinoic acid receptors.
Nadège Vernet, Diana Condrea, Chloé Mayere, Betty Féret, Muriel Klopfenstein, William Magnant,
Violaine Alunni, Marius Teletin, Sirine Souali-Crespo, Serge Nef, Manuel Mark, et Norbert B. Ghyselinck.
Science Advances, 22 mai 2020.

Contact : Eric Pailoux (eric.pailhoux at inrae.fr)

Contexte et enjeux :

L’obésité maternelle peut prédisposer aux pathologies métaboliques à l’âge adulte. Une perte de poids préconceptionnelle est recommandée aux femmes obèses, mais ses effets sur la croissance foeto-placentaire et la santé de la descendance à l’âge adulte sont encore peu connus.

Résultats :

Anne Gabory et Christine Baly ont récemment développé un modèle murin (Panchenko et al, 2019) pour étudier les voies physiologiques affectées par les trajectoires maternelles de prise et de perte de poids. Des effets négatifs de l’obésité maternelle suivie d'une perte de poids préconceptionelle ont été observés sur le métabolisme et le comportement olfactif des descendants, en particulier chez les mâles. Pour mieux caractériser cette programmation à long terme des voies métaboliques, Sofiane Safi-Stibler a étudié, dans le cadre de sa thèse, par spectrométrie de masse non ciblée, l'impact du statut métabolique maternel et post-sevrage sur le métabolome de la progéniture mâle adulte dans trois tissus impliqués dans l'homéostasie énergétique : le foie, l'hypothalamus et le bulbe olfactif. Le régime alimentaire post-sevrage modifie l'abondance de plusieurs métabolites, dont le 1,5-anhydroglucitol, la saccharopine et le β-hydroxybutyrate, dans les trois tissus alors que le régime maternel influence l'abondance de deux métabolites dans le foie. En particulier, l'abondance de l'ansérine est réduite en cas d'obésité maternelle, mais normalisée par une perte de poids préconceptionnelle, quel que soit le régime après le sevrage. L'ansérine est considérée comme un métabolite hépatoproteur. Des faibles niveaux d'ansérine peuvent donc avoir peu de conséquences métaboliques dans un contexte de régime équilibré. Cependant dans un contexte obésogène, le foie des descendants de mères obèses peut donc être plus rapidement affecté par les troubles métaboliques, favorisant ainsi stéatose hépatique et obésité.

Perspectives :

Cette étude est la première à identifier un effet de programmation à long terme de l'obésité maternelle préconceptionnelle sur le métabolome de la descendance. Elle met également en évidence la grande plasticité métabolique du foie et l'homéostasie relative de deux structures du système nerveux central, bulbe olfactif et hypothalamus, et suggère une signature métabolique partiellement partagée par les trois tissus.

faitsmarquants_2020_001a
Formule chimique de l’Ansérine
faitsmarquants_2020_001b

Publication : 

Safi-Stibler, S.; Thévenot, E.A.; Jouneau, L.; Jouin, M.; Seyer, A.; Jammes, H.; Rousseau-Ralliard, D.; Baly, C.; Gabory, A. Differential Effects of Post-Weaning Diet and Maternal Obesity on Mouse Liver and Brain Metabolomes. Nutrients 2020, 12, 1572. https://doi.org/10.3390/nu12061572.

Cet article fait partie d’un numéro spécial « Métabolomique en nutrition et santé humaine ».

Contact : Anne Gabory (anne.gabory at inrae.fr)

Contexte et enjeux :

Chez les vertébrés, le fœtus mémorise des informations provenant de l’environnement prénatal facilitant son adaptation à la vie postnatale. En particulier, une expérience olfacto-gustative maternelle peut orienter l’allaitement à la naissance et ultérieurement modifier les préférences alimentaires ou olfactives, comme nous l’avons montré récemment chez l’agneau à la naissance (Levy et al., 2020) ou la souris au sevrage (Dewaele et al., 2018), respectivement. Les odeurs apprises dans un contexte maternel peuvent également agir sur les capacités cognitives comme l’apprentissage, mais leurs effets sur les comportements émotionnels sont moins connus et parfois controversés. Pourtant, il pourrait s’avérer intéressant d’utiliser ce levier comme support de différentes situations difficiles que rencontrent les animaux lors de leur parcours de vie, en particulier au sevrage (séparation maternelle, piqure, transition alimentaire). Nous avons testé l’hypothèse chez la souris que des flaveurs issues de l’alimentation maternelle peuvent être mémorisées pendant la période périnatale et permettre de diminuer la réponse d’anxiété au sevrage. Des mères ont été nourries avec un aliment odorisé à l‘heptaldehyde (groupe odorisé), ou non (groupe témoin) pendant le dernier tiers de gestation et la lactation. L’heptaldehyde a été choisi car nous avions préalablement montré qu’il est transféré dans les fluides biologiques (Dewaele et al., 2018). Au sevrage, nous avons mesuré la réaction émotionnelle des souriceaux dans un dispositif d’enceinte ouverte (open-field), en enregistrant les trajectoires individuelles des deux lots expérimentaux en absence d’odorant, en présence de l’odorant appris ou d’un odorant non familier (alpha-pinène) après une période de séparation maternelle de 4 heures avec ou sans odorant.

Résultats :

Après enregistrement et analyses des données de locomotion et des trajectoires suivies par les animaux dans l’enceinte à l’aide d’un logiciel mis au point dans l’unité, nous avons montré que les distances parcourues par les animaux ne diffèrent pas entre les lots expérimentaux, ni en fonction des conditions de séparation maternelle. En revanche, les trajectoires des souriceaux diffèrent selon les groupes maternels, l’ évitement de la zone centrale du dispositif étant signe du niveau d’anxiété des animaux. Les souriceaux non odorisés présentent une réaction émotionnelle plus forte lorsque l’un des deux odorants est présent dans le dispositif que sans odorant, et ce, quelques que soient les conditions de séparation maternelle. Les souriceaux odorisés à l’heptaldehyde présentent une tendance à une réaction émotionnelle moins importante en présence d’heptaldéhyde dans l’environnement, mais pas si un odorant non familier est présent. Ainsi, l’effet observé est spécifique de l’odorant appris.

Perspectives :

Cette étude montre la capacité des souriceaux à enregistrer une expérience sensorielle sous la forme d’un odorant ajouté dans le liquide amniotique et le lait maternel. Cette mémorisation permet de moduler la réponse émotionnelle des animaux placés dans un environnement stressant et le rappel de l’odorant familier a tendance à atténuer la réponse émotionnelle de façon spécifique. Dans les élevages, l’exposition à une odeur pendant le dernier tiers de gestation et la lactation pourrait être utilisé comme enrichissement environnemental et servir comme rappel sensoriel non invasif et bénéfique lors de phases stressantes rencontrées par l’animal lors de son parcours de vie.

faitsmarquants_2020_002a
Dispositif d’enceinte ouverte (open-field, à gauche) permettant l’enregistrement de la trajectoire individuelle d’une souris dans une zone délimitée. Le parcours de la souris (en noir, à droite) est enregistré pendant 5 minutes et se répartit dans 2 zones (dites interne  ou externe) par rapport à un carré rouge. Le pourcentage de temps passé en zone interne reflète le niveau de stress de l’animal. Plus l’animal est stressé, plus ce pourcentage est faible.

Publication : Dewaele A, Badonnel K, Persuy MA, Durieux D, Bombail V, Favreau-Peigné A, Baly C. Effect of environmental exposure to a maternally-learned odorant on anxiety-like behaviors at weaning in mice. Anim Cogn. 2020 Sep;23(5):881-891. doi: 10.1007/s10071-020-01393-0

Contact : Christine Baly (christine.baly at inrae.fr)

Contexte et enjeux :

L’obésité touche 15 % de la population française dont les femmes en âge de procréer. Aujourd’hui, il est bien établi que l’obésité maternelle est associée à des complications telles que les fausses couches à répétition, la pré-éclampsie ou le diabète gestationnel. De plus, les enfants nés de mères obèses ou en surpoids ont un risque plus élevé de développer une obésité, des maladies cardiovasculaires voire un syndrome métabolique à l’âge adulte. A l’interface entre la mère et le fœtus, le placenta assure des fonctions endocrines, d’échange et de protection immunitaire. Dans le cas de l’obésité maternelle, le placenta est exposé à un environnement lipotoxique et inflammatoire. Dans ce travail, nous nous sommes intéressés aux effets de l’obésité maternelle sur la structure et les fonctions du placenta humain.

Résultats :

Nous avons collecté des placentas à terme pour des femmes sans diabète gestationnel et présentant, au 1er trimestre de grossesse, un IMC de 18-25 kg / m² pour le groupe non obèse (témoin) et 30 à 40 kg / m² pour le groupe obèse.

Nous avons observé que l'obésité maternelle entraine (i) une diminution de l’expression placentaire de cytokines pro-inflammatoires telles que l'interleukine-6 et la leptine associée à une réduction de l’infiltration macrophagique et leucocytaire du placenta,(ii) une diminution de l’expression placentaire des transporteurs de nutriments GLUT1 et SNAT1-2, (iii) une diminution de la densité des vaisseaux fœtaux et (iv) une diminution de la production d’hormone chorionique gonadotrope (hCG). De plus, les données cliniques de cette étude ne montrent aucune différence statistique dans les poids de naissance des nouveau-nés entre les femmes obèses et les femmes normo-pondérées. Ces travaux suggèrent que, face à un environnement délétère tel que l’obésité maternelle, le placenta humain présente un certain degré de plasticité et s’adapte pour maintenir une croissance fœtale normale. Toutefois, il est nécessaire de poursuivre de travail pour comprendre les mécanismes moléculaires à l’origine des effets indésirables de l’obésité maternelle sur la santé de la progéniture à l’âge adulte.

Perspectives :

Des données récentes de la littérature montrent que les dyslipidémies associées à l’obésité maternelle pourraient altérer le statut lipidique placentaire. Des études sont en cours au laboratoire pour déterminer, par une approche de spectrométrie de masse, les profils d’acides gras et de lipides dans les placentas, le sang maternel et le sang fœtal issus de notre population de femmes normo-pondérées et obèses. L'ensemble de ces travaux devraient permettre de mettre en évidence une signature moléculaire spécifique du placenta de femmes obèses et ainsi de mieux comprendre l'impact de l'obésité sur la descendance.

faitsmarquants_2020_003a

 

Publication

  1. GBD 2015 Obesity Collaborators. Health Effects of Overweight and Obesity in 195 624Countries over 25 Years. N Engl J Med. 2017;377(1):13-27.
  2. Jeve YB, Konje JC, Doshani A. Placental dysfunction in obese women and antenatal 627 surveillance strategies. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. 2015 ;29(3) :350-364.
  3. Roberts KA, Riley SC, Reynolds RM, et al. Placental structure and inflammation in 678 pregnancies associated with obesity. Placenta. 2011 ;32(3) :247-254.
  4. Farley DM, Choi J, Dudley DJ, et al. Placental Amino Acid Transport and Placental 669 Leptin Resistance in Pregnancies Complicated by Maternal Obesity. Placenta. 670 2010 ;31(8):718-724.
  5. Mitanchez D, Jacqueminet S, Nizard J, et al. Effect of maternal obesity on birthweight 725 and neonatal fat mass: A prospective clinical trial. PLoS ONE. 2017 ;12(7).

Contact : Marie-Noëlle Dieudonné (marie-noelle.dieudonne at uvsq.fr)

Contexte et enjeux :

Les gènes liés à l’identité cellulaire sont contrôlés par des séquences régulatrices, composées de regroupements d’enhancers appelées super-enhancers. Leur activité a été notamment caractérisée dans les cellules souches embryonnaires, qui sont issues de l’embryon dans les premiers stades de développement. Ces cellules souches sont dites pluripotentes car elles vont se différencier dans tous les types cellulaires d’un organisme. Dans une étude publiée dans Nature Communications, des chercheurs de l’unité BREED (INRAE), de l’Imperial College (Londres) et de l’Université Radboud (Nimègue, Pays-Bas), ont cherché à comprendre comment ces super-enhancers étaient remodelés lorsque les cellules sortent de l’état pluripotent pour commencer à se différencier.

Résultats :

Nous avons identifié deux types d'unités enhancers au sein des super-enhancers dans les cellules souches embryonnaires de souris, caractérisées par une dynamique spécifique de méthylation de l’ADN. Ces unités sont soit désactivées, soit restent actives au moment de la sortie de pluripotence. La signature épigénétique et les facteurs de transcription qui s’y lient diffèrent selon le type d’unités. Parmi eux, ESRRB est un facteur qui participe au maintien de la pluripotence en controlant l’expression de certains gènes, et nous montrons qu’il est spécifiquement enrichi dans les unités d’enhancers qui se désactivent en sortie de pluripotence. Ainsi, nous montrons un rôle pivot de ESRRB comme régulateur de l’activité de ces unités et nous proposons que l’extinction programmée de ESSRB au cours du développement déclenche la désactivation sélective de ces unités au sein des super-enhancers. Notre étude met en lumière les interactions entre la structure de la chromatine, les modifications épigénétiques et les facteurs de transcription, qui ensemble permettent une régulation fine de l’expression de gènes clés du développement.

Perspectives :

Nous proposons un modèle mécanistique de désactivation d’unités dans les super-enhancers. Il serait maintenant intéressant de mieux comprendre ce qui permet aux autres unités de rester actives, et de caractériser leur devenir au cours du développement.

faitsmarquants_2020_004a

Publication : Bell, E., Curry, E.W., Megchelenbrink, W., Jouneau, L., Brochard, V., Tomaz, R.A., Mau, K.H.T., Atlasi, Y., Souza, R.A. de, Marks, H., Stunnenberg, H., Jouneau, A*., Azuara, V*. (2020). Dynamic CpG methylation delineates subregions within super-enhancers selectively decommissioned at the exit from naive pluripotency. Nat Commun 11, 1–16. * auteurs de correspondance

Contact : Alice Jouneau : (alice.jouneau at inrae.fr)

Contexte et enjeux :

La prise de température est un élément essentiel du suivi clinique des chevaux. La prise de température rectale demande la manipulation de l'animal et n'est pas envisageable systématiquement que sur de grands effectifs. L'identification des équidés par des puces électroniques insérées dans l'encolure est obligatoire. Le couplage des puces d'identification avec des thermosenseurs permettrait une prise de température sans contact grâce à des lecteurs de puce placés près de l'animal. Outre la détection de processus infectieux grâce à l'identification d'hyperthermie, l'analyse des variations de température est aussi utilisée chez les ruminants pour prédire la mise-bas. Chez les chevaux, son intérêt pour la prédiction du poulinage reste contreversé.

Des poulains de un an placés en stabulation libre pendant l'hivernage (N=43) ont été équipés de puces d'identification couplées à des capteurs thermiques. Un lecteur de puce situé au niveau de l'abreuvoir a permis de mesurer la température automatiquement dès que l'animal était situé à <50cm du capteur. Le même dispositif a été utilisé pour des juments (N=39). L'épaisseur de l'encolure limitant la distance maximale de lecture à quelques centimètres, un lecteur a été placé manuellement près de l'encolure toutes les deux heures pendant au minimum 5 jours et jusqu'au poulinage. Les animaux étaient aussi placés sous vidéosurveillance. Des capteurs de mouvements ont aussi été placés sur 8 juments.

Résultats :

Chez les poulains, >100,000 mesures ont été analysées. Les températures mesurées étaient conformes aux normes et corrélées avec la température rectale. La température moyenne était de 37,5 ±0,1°C, avec une variation de près de 1°C entre l'aurore et la fin de journée. La température moyenne était significativement plus élevée (+0,26°C) chez les mâles. Entre les mois de décembre et février, la température moyenne a diminué de 0,35°C, peut-être en relation avec l'augmentation de la durée du jour.

Chez les juments, la température corporelle a systématiquement diminué dans les 18 heures précédant la mise-bas. Une baisse de température de 0,5 ou 0,3°C , 12 heures avant le poulinage, permet de prédire la mise-bas avec 96,6% ou 83,9% de sensibilité, respectivement, et 95% de spécificité. Les mouvements de la queue deviennent plus fréquents et plus courts à l'approche de la parturition, de même que les comportements spécifiques (flehmen, observation du flanc…).

Perspectives :

Ces travaux permettent d'envisager l'utilisation de puces d'identification thermocouplées pour le monitoring sans contact de la température, dans une démarche de prévention sanitaire. Le développement de lecteurs plus sensibles, l'automatisation de la prise et de l'analyse des mesures sont cependant nécessaires. De plus, l'intégration des mesures de température automatisées aux autres outils disponibles pour la prédiction du poulinage permettrait d'améliorer la gestion des poulinages.

faitsmarquants_2020_005a

Publication : 

Auclair-Ronzaud, Juliette, Stéphanie Benoist, Cédric Dubois, Marie Frejaville, Tristan Jousset, Florence Jaffrézic, Laurence Wimel, et Pascale Chavatte-Palmer. 2020. No-Contact Microchip Monitoring of Body Temperature in Yearling Horses. Journal of Equine Veterinary Science 86:102892. https://doi.org/10.1016/j.jevs.2019.102892.

Auclair-Ronzaud, Juliette, Tristan Jousset, Cédric Dubois, Laurence Wimel, Florence Jaffrézic, et Pascale Chavatte-Palmer. 2020. No-Contact Microchip Measurements of Body Temperature and Behavioural Changes Prior to Foaling. Theriogenology 157:399‑406. https://doi.org/10.1016/j.theriogenology.2020.08.004.

Contact : Pascale Chavatte-Palmer (pascale.chavatte-palmer at inrae.fr)

Contexte et enjeux :

Les processus épigénétiques interviennent à toutes les étapes de la vie du spermatozoïde, de la différenciation des cellules germinales à la reprogrammation du génome paternel après la fécondation. Il existe encore peu de données sur l’épigénome spermatique bovin, bien que la semence bovine soit un produit largement diffusé permettant l’insémination de 75% des vaches laitières en Europe. Le programme SeQuaMol a l’ambition de caractériser l’épigénome spermatique bovin et ses variations, pour proposer un contrôle qualité de la semence et mieux appréhender les mécanismes moléculaires pouvant moduler le phénotype de la descendance au-delà de la contribution génétique paternelle. Nous nous sommes intéressés au méthylome et à ses variations induites par des pratiques accélérant la maturité sexuelle des taureaux, pratiques en forte demande depuis que la sélection génomique permet d’établir la valeur génétique de manière précoce, ainsi qu’à la caractérisation des petits ARN non-codants spermatiques et aux variations de leurs profils d’expression dans six races bovines.

Résultats :

Un plan d’alimentation riche a été administré à des veaux mâles pendant les six premiers mois post-nataux, ayant pour effet de déclencher la puberté avec un mois d’avance sans effet visible sur la qualité de la semence. L’impact post-puberté sur la méthylation de l’ADN spermatique est modeste mais non négligeable. Les gènes concernés sont impliqués dans la survie cellulaire, la spermatogenèse, la prolifération des cellules de Sertoli et le développement de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique. Certaines différences persistent après que les taureaux précoces et contrôles aient atteint le même niveau de maturité sexuelle, suggèrant que le méthylome spermatique contient une mémoire des évènements passés et que la période post-natale représente une fenêtre de sensibilité aux variations environnementales1.

Les petits ARN non-codants spermatiques incluent, outre des microARN (dont une majorité encore non décrits), des ARN interagissant avec PIWI (système bloquant l’activité des transposons) et des fragments d’ARN ribosomiques et d’ARN de transfert. Ceux associés à une glycine ou une glutamine, dont le rôle dans la programmation du phénotype de la descendance a été démontré chez la souris, sont particulièrement représentés dans cette dernière catégorie. Enfin, des variations entre races ont été observées pour toutes les catégories de petits ARN, suggérant un lien avec la génétique des animaux2.

Perspectives :

Cette plasticité de l’épigénome spermatique laisse entrevoir des possibilités de modulations du phénotype de la descendance en agissant sur les conditions d’élevage ou la race du taureau. Elle pourrait donc à la fois représenter une opportunité et un risque, et ses conséquences à long terme doivent être évaluées.

faitsmarquants_2020_006a
spermatozoïdes bovins observés lors d’un contrôle de routine
faitsmarquants_2020_006b
paillettes de semence bovine en préparation

Publication 

1Perrier J.P., Kenny D.A., Chaulot-Talmon A., Byrne C.J., Sellem E., Jouneau L., Aubert-Frambourg A., Schibler L., Jammes H., Lonergan P., Fair S. and Kiefer H., 2020. Accelerating onset of puberty through modification of early life nutrition induces modest but persistent changes in bull sperm DNA methylation profiles post-puberty. Front. Genet., 11, 945.

2Sellem E., Marthey S., Rau A., Jouneau L., Bonnet A., Perrier J.P., Fritz S., Le Danvic C., Boussaha M., Kiefer H., Jammes H., Schibler L., 2020. A comprehensive overview of bull sperm-borne small non-coding RNAs and their diversity across breeds. Epigenetics Chromatin, 13, 19.

Contact : Hélène Kiefer (helene.kiefer at inrae.fr)