L’inactivation du gène de l’aromatase chez le lapin

L’inactivation du gène de l’aromatase chez le lapin démontre le rôle fondamental des œstrogènes dans l’établissement du stock de cellules germinales dans l’ovaire fœtal

On sait depuis longtemps que les œstrogènes produits par l’ovaire à partir de la puberté jouent un rôle majeur dans la différenciation du sexe et le fonctionnement de l’ovaire chez les mammifères. On connait beaucoup moins bien le rôle de la production précoce d’œstrogènes qui est observée dans l’ovaire fœtal chez de nombreuses espèces (dont l’humain ou le lapin) mais pas toutes (la souris par exemple). Des travaux anciens avaient émis l’hypothèse que ces œstrogènes pourraient agir sur la différenciation de l’ovaire dès le stade fœtal, mais aucune démonstration n’avait pu être apportée faute de modèle animal adéquat, la souris n’étant pas un modèle pertinent pour cette étude.

Grâce à la technologie de « genome editing » très efficace chez le lapin, les chercheurs de l’unité Biologie de la Reproduction, Environnement, Epigénétique, et Développement- BREED (SAPS, INRAe/UPSaclay, Jouy-en-Josas) ont généré une lignée de lapins dépourvus de toute synthèse d’œstrogènes suite à l’introduction d’une mutation STOP dans le gène CYP19A1 codant pour l’aromatase, l’enzyme de synthèse des œstrogènes. L’étude décrit le phénotype des gonades femelles au cours de leur différenciation, depuis le stade « gonade indifférenciée » chez le fœtus jusque chez l’adulte. Ainsi, même en absence totale de production d’œstrogènes, la gonade fœtale de la petite femelle se différencie en un ovaire. Mais cet ovaire ne se différencie pas normalement : en effet, on assiste à une réduction massive et définitive du stock de cellules germinales (réserve ovarienne).

Ces travaux publiés dans Endocrinology apportent la première démonstration du rôle indispensable des œstrogènes pour constituer cette réserve ovarienne. De plus, ils soulignent l’importance des régulations autocrines au sein de la gonade fœtale, suggérant que l’exposition in utero à des molécules anti-œstrogéniques (perturbateurs endocriniens ou autres facteurs environnementaux) pourrait altérer la fertilité de l’individu à naître, en réduisant définitivement sa capacité de production ovocytaire.

Légende Figure : En absence d’œstradiol dans les gonades fœtales chez les petites lapines KO on constate une baisse de l’activité de mitose de toutes les cellules de la gonade (caractérisée ici par la diminution de l’épaisseur de l’épithélium de surface, marquage par KI67). Dès lors, la gonade KO est plus petite. Après la puberté, l’aromatase est détectée dans les cellules de la granulosa de quelques grands follicules à antrum (coloration brune). Chez les lapines KO, aucun marquage n’est observé. Les ovaires sont plus petits, présentent quelques follicules à antrum mais la « réserve folliculaire » est inexistante comme on peut le voir sur l’image en zoom : pas de petits follicules capables d’entrer en croissance pour renouveler le stock de follicules à antrum mais des « vésicules » vides, traces de dégénérescence de ces follicules.

Contact : genevieve.jolivet@inrae.fr ou eric.pailhoux@inrae.fr

Source : Scoop.it

https://doi.org/10.1210/endocr/bqab210